Exposition

Nicolas Dhervillers

NICOLAS DHERVILLERS

Vernissage le jeudi 21 mars 2024
À partir de 19h

Exposition visible du 21 mars au 14 avril 2024

Quoique né en 1981 et actif depuis les années 2000, Nicolas Dhervillers est un artiste du 19 e
siècle. Non qu’il en prolonge avec passéisme quelque recette ou poncif, mais parce qu’il
remet en jeu les grandes révolutions artistiques du siècle : l’expérience du paysage des
peintres de plein air, l’observation des infinies variations de la lumière par leurs successeurs
impressionnistes, la photographie dans sa mise à l’épreuve de la peinture, et réciproquement.
Il suffit de voir les deux ensembles présentés dans cette exposition pour s’en convaincre.
Le premier réunit trois séries de dessins. L’une d’après le cycle tardif des Nymphéas
de Claude Monet à l’Orangerie, l’autre plus lointainement inspirée des marines du
photographe Gustave Le Gray, la dernière reprenant des détails de gravures de paysages.
L’outil de prédilection de l’artiste est ici le pastel. Réduit en poudre, il est appliqué avec la
paume. Les dégradés finement nuancés restituent les jeux de la lumière avec l’air et l’eau.
Parfois, un dessin, entre net et flou, au crayon graphite ou au pastel, alors appliqué au doigt,
s’inscrit sur ce fond. Le second ensemble tranche avec l’inspiration européenne du premier. Il
est le fruit d’un voyage de Nicolas Dhervillers dans le sud-ouest des États-Unis. Il juxtapose
de petites aquarelles – une technique nouvelle pour l’artiste –, inspirées des paysages
traversés, et de grandes photographies prises dans le site sacré Navajo d’Antelope Canyon
qui apparaît comme une destination. Alors que l’ensemble européen s’appuie sur
l’évanescence de l’air et de l’eau, les séries états-uniennes affichent la matérialité du minéral
mais, dans tous les cas, il s’agit avant tout de traduire les interactions de la lumière avec les
éléments.
Dans leur diversité, les travaux exposés posent une série de questions qui ont trait,
d’une part, à leur processus de création et, d’autre part, à leur perception par le spectateur.
Pourquoi Nicolas Dhervillers recourt-il tantôt au dessin, tantôt à la photographie, d’autant qu’il
n’avait pas pratiqué cette dernière depuis quatre ans ? Il faut, pour y répondre, se replonger
dans son siècle, le 19 e , et les débats provoqués par l’apparition de la photographie. Nombre
des premiers photographes, à l’instar de Le Gray, furent d’abord formés à la peinture à
laquelle ils empruntèrent des principes de composition. Mais il créèrent aussi de nouvelles
images qui influencèrent en retour les peintres. Cette émulation se transforma en
concurrence quand la photographie revendiqua un statut artistique. La vision mécanique
photographique suscita alors la réserve des peintres et de leurs défenseurs. Il était de bon
ton d’affirmer que, face au même motif, des photographes de paysage feraient tous la même
image alors que chaque tableau serait différent. Dans un compte rendu du Salon de 1857, le
critique Georges Niel alla plus loin en pointant les limites de la photographie : « Il y a mille
petits effets que la photographie ne peut saisir. On ne photographiera jamais l’air. »
Il n’est pas sûr que Nicolas Dhervillers souscrive intégralement à ces propos même s’il
reconnaîtra volontiers que le dessin, et avant tout le pastel et ses superpositions de couches,
lui permet d’atteindre des lumières que la photographie ne peut rendre, sauf à recourir,
comme pour ses séries antérieures de paysages à la fois nocturnes et diurnes, au montage
et à la retouche, dont la tradition fut d’ailleurs initiée par Le Gray. Mais, ce qui est sûr, en
revanche, c’est que le site d’Antelope Canyon était, par le graphisme de ses lignes et la
puissance de ses couleurs, si pictural que, dans son rapport qu’il dit « détourné » à la
photographie, il a suffit à l’artiste de tirer les images avec un procédé poudreux pour jeter une
fois de plus le trouble sur la nature de ses images.
Parmi les œuvres de Nicolas Dhervillers présentées dans l’exposition, ce sont
paradoxalement ces photographies d’Antelope Canyon qui semblent les plus proches des
Nymphéas de Monet avec lesquels la série de pastels de l’artiste partage pourtant les formats

allongés et l’usage de procédés variés pour rendre la lumière et les ombres colorées. On sait,
en effet, que les salles de l’Orangerie, conçues pour accueillir les longs panneaux que le
peintre avait offerts à la France après l’Armistice de 1918, furent parfois rapprochées d’une
crypte, de la chapelle Sixtine ou de la cathédrale de Chartres, en un mot, d’un espace sacré.
Les grandes images d’Antelope Canyon placent tout autant le spectateur au cœur d’une
cavité dont la dimension sacrée, ou seulement symbolique, servie par l’appel de la lumière,
est évidente. Elles l’immergent dans un espace contemplatif où le regard est à peine troublé
par l’irrégularité des surfaces ou les brisures de la roche. Elles ont un pouvoir d’absorbement
du spectateur que les autres travaux de l’exposition semblent, au contraire, refuser.
En effet, si, par leur format réduit, les petits pastels et aquarelles, créent un rapport
plus intimiste que contemplatif au paysage, les grands pastels d’après Monet et Le Gray
auraient le même pouvoir d’absorbement que les images d’Antelope Canyon s’ils n’étaient
traversés par des bandes horizontales laissées en réserve. Ces dernières ont des fonctions
différentes : elles distinguent trois temps successifs de la lumière dans les premiers et
soulignent, en la cachant, la jonction de l’horizon dans les seconds. Mais, dans les deux cas,
elles rompent la profondeur de l’espace illusionniste et ramènent le regard à la surface du
dessin. Dans ce jeu de rebonds, elles portent en elles la critique de la contemplation que les
œuvres auraient pu susciter. Par cette distanciation consciente des pouvoirs de l’image,
Nicolas Dhervillers est un artiste du 19 e siècle qui a toute sa place aux 20 e et 21 e siècles.

Texte par Étienne Hatt

 


 

Catalogue des oeuvres disponibles sur demande par mail où par téléphone

contact@galerie-provost-hacker.com
+33 6 46 25 00 54

Informations Pratiques : ⁠

🗓 Du 21 mars au 14 avril 2024
📍Galerie Provost Hacker, 40 rue Voltaire & 35 rue Saint André à Lille
🗓 Du mardi au samedi, de 10h à 12h et de 14h à 19h

Menu