Romain Bagouet

D’une surface d’horizon, Par Alexandre Castant

En effet, le point de départ du travail de Romain Bagouet est, littéralement, une interrogation sur l’espace. « L’architecture a, depuis mon adolescence, toujours suscité un intérêt tout particulier, écrit-il pour présenter son travail. Pourtant destiné à ne jamais y mettre les pieds, mon parcours scolaire m’envoie au coeur d’un quartier prioritaire de ma ville. J’y découvre les grands ensembles. Ils deviendront très vite un sujet de fascination. Je m’intéresse autant aux architectes ayant eu pour référence le systématisme de Charles Gustave Stoskopf, qu’aux francs-tireurs et leurs mondes imaginaires, à l’image des cités construites par Émile Aillaud ou encore Renée Gailhoustet. » Son approche des grands ensembles urbanistiques, des immeubles identiques et répétés comme une série d’images, de leurs parallélépipèdes fragmentés comme un volume, s’inscrit, par-delà l’interrogation sociale qu’elle porte inévitablement en creux, d’abord dans une histoire de la représentation.

Où le détail est précisément à l’origine de la peinture de Romain Bagouet. Le détail, et la photographie. Car, là encore, le peintre photographie avant de créer, notamment les grands ensembles urbains. Et, dans ces photographies préalables, il repère plus qu’un détail : il isole et agrandit un pixel de l’image. Cette exploration d’un fragment infinitésimal de la photographie devient alors une introspection du monde visible en peinture… Le réalisme de Romain Bagouet déréalise la réalité, dans la géométrie de ses séquences déconstruites, il l’arrache à elle-même, en délivre la poésie.

C’est cela le moment hypnotique de sa peinture. Telle fulgurance d’un tableau de Pietr Mondrian, de Mark Rothko ou encore de l’École métaphysique italienne de Giorgio De Chirico y apparaît dans un détail, une ligne ou un fragment monochrome. Or, si Romain Bagouet défait bel et bien du réel sa représentation des grands ensembles c’est, au-delà de leur histoire du volume en peinture, pour en citer une surface d’horizon. Elle est évidente, présente en chaque toile, comme un appel du et une invitation au lointain. Est-ce la conséquence de ses recherches sur la perspective, complexe et paradoxale, simultanément plate et à perte de vue ? Un éloge de la liberté que dévoilent, par-delà les blocs et les lignes de fuite des immeubles, le bleu ou le gris du ciel si souvent reflétés dans les vitres de leurs fenêtres ?

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