Lara Eloy

Corps en quête d’espace, Par Alexandre Castant

Avant le geste de peindre, Lara Bloy photographie : une image low-tech, produite avec une lumière sans effet et augmentée de retouches sur Photoshop. Cette photographie, esquisse numérique, introduit à la peinture de Lara Bloy : nombre d’or, quadrillage, l’artiste peint à partir de cette image dont le thème revient, avec insistance. Exploré, contourné, approché, le corps d’un personnage, souvent une jeune femme, y est en effet représenté en mouvement et, paradoxalement, figé dans une immobilité extatique. Corps en suspens dans son environnement, ou figure en déséquilibre dans un espace minimal ou absent, advient alors dans et à la peinture.

La chute des corps ou la flottaison d’un personnage, en état de syncope dans un décor vide et fictif, semble ainsi primer sur le fond, pictural, pour exprimer les passions intérieures qui, bel et bien, animent ces figures et le projet de Lara Bloy. Un ensemble d’oeuvres y résonne alors. La danse (en particulier japonaise du butō), la sculpture (contraintes, figures et douleurs de Rodin) et la peinture classique (Poussin, David, Géricault) ou contemporaine (Tim Eitel) sont des univers auxquels, devant ces portraits de jeunes femmes immobiles, attentives et sous tension, la sidération de leurs corps fait écho. Précisément. Les figures, certes très différentes, mais toujours incandescentes de jeunes femmes cyborg dans Ghost in the Shell, un film d’animation de Mamoru Oshii (1995), ou romantiques dans Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma (2019) participent également du musée intérieur de Lara Bloy.

Il y aurait donc un sous-texte derrière la part figurative, et si précise, des peintures de Lara Bloy. Moins hyper-réaliste qu’infra-réaliste (entre dessin anatomique et artificialité numérique), cette peinture est celle de l’intériorité, douloureuse, des sentiments que le corps en torsion représente et figure. Elle est celle de l’émotivité des personnages qui, statiques, statufiés, les met en mouvement : intériorité de la torsade et de la chute, matière, plis, drapés, ornement et couleur offerts, comme au fil d’un labyrinthe, au regard… Or s’il y a cette torsion dans la peinture de Lara Bloy, c’est peut-être pour évoquer le relief des figures de cire, que le poète romantique allemand Jean Paul avait décelé dans les images mentales, et leur récit virtuel… De la contemplation à sa théâtralisation ?

Œuvres

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